logo
Retour aux actualités

Pas de dépistage systématique du CMV, la surdité en est un symptôme fréquent

Santé

Dans une publication récente datée du 4 février 2024, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a exprimé une opposition à la mise en place d’un dépistage universel de l’infection par le cytomégalovirus (CMV) chez les femmes enceintes. Le Professeur Yves Ville, directeur du département d’obstétrique et de médecine fœtale à l’hôpital Necker-Enfants malades de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et coordinateur du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN), critique cette position inchangée, en dépit des avancées prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 favorisant un dépistage à large échelle.

Traitement préventif du CMV

Le Professeur Ville souligne que c’est la troisième fois en un quart de siècle que le HCSP délibère sur ce sujet. Il fait remarquer que depuis leur dernier avis en 2018, les connaissances scientifiques ont évolué, notamment sur le fait que les séquelles congénitales du CMV sont principalement associées à une infection survenue au début de la grossesse. Il mentionne l’existence d’un traitement préventif, le Valaciclovir, qui réduit significativement la transmission transplacentaire du virus. Cette affirmation s’appuie sur diverses études, dont une étude randomisée parue dans The Lancet, des essais cliniques et une méta-analyse, illustrant l’efficacité de ce médicament.

Cependant, le rapport du HCSP, d’après le Professeur Ville, semble ignorer ces avancées et s’appuierait partiellement sur des données obsolètes, donnant l’impression d’une réticence à reconnaître les progrès scientifiques depuis leur dernier avis.

Pas de dépistage systématique du CMV

Le HCSP a évalué la pertinence d’un dépistage systématique en se basant sur les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), concluant à l’insuffisance de preuves que l’infection congénitale par le CMV constitue un problème de santé publique significatif. Le Professeur Ville réfute cet argument en pointant du doigt le nombre non négligeable d’enfants affectés et les risques accrus pour certaines populations, notamment les femmes ayant déjà un enfant en bas âge.

Il critique également la position du HCSP sur la prévention primaire et la fiabilité des tests de dépistage, en mettant en avant les limites des mesures d’hygiène recommandées et l’efficacité prouvée du Valaciclovir en tant que stratégie de prévention secondaire. De plus, il aborde les préoccupations du HCSP concernant les possibles inégalités engendrées par le dépistage, en soulignant la différence de risques entre les femmes non immunisées et celles déjà immunisées avant la grossesse.

La nécessité de réévaluer les stratégies de dépistage du CMV

Le Professeur Ville appelle à une réévaluation des stratégies de dépistage en faveur d’un dépistage précoce au cours du premier trimestre de grossesse, en utilisant la sérologie pour identifier les infections récentes et potentiellement risquées. Il souligne l’importance d’un diagnostic précis et fiable pour le fœtus, notamment à travers l’amniocentèse, et la nécessité de prendre en compte les bénéfices d’un traitement préventif continu jusqu’à la naissance pour réduire les risques de séquelles.

Bien que le HCSP maintienne sa recommandation de 2018 contre un dépistage systématique du CMV chez les femmes enceintes, en se basant sur les critères de l’OMS et en soulignant l’importance des mesures d’hygiène, le Professeur Ville et ses collègues plaident pour une révision de cette position à la lumière des avancées scientifiques récentes et de l’efficacité prouvée des stratégies de dépistage et de traitement préventif.

Le cytomégalovirus (CMV) est un virus courant appartenant à la famille des Herpesviridae. Bien qu’il puisse passer inaperçu ou provoquer des symptômes bénins chez les personnes en bonne santé, le CMV peut avoir des conséquences graves chez les nouveau-nés infectés congénitalement et chez les individus immunodéprimés. L’une des complications les plus notables de l’infection congénitale par le CMV est la surdité neurosensorielle, qui peut être unilatérale ou bilatérale, et varier en gravité de légère à profonde.

Mécanismes de la surdité liée au CMV

L’infection congénitale par le CMV peut endommager l’oreille interne et les structures nerveuses associées à l’audition. Le virus a une affinité particulière pour les cellules de l’oreille interne, notamment les cellules ciliées et les ganglions du nerf auditif. L’inflammation et la destruction cellulaire résultantes peuvent altérer la fonction cochléaire et le trajet nerveux auditif, conduisant à une perte auditive.

La surdité due au CMV peut être présente dès la naissance ou se développer progressivement pendant l’enfance, parfois même après des mois ou des années. C’est pourquoi le suivi auditif est crucial pour les enfants nés avec une infection congénitale par le CMV, même s’ils ne présentent pas de symptômes auditifs initialement.

Incidence et risques

L’infection congénitale par le CMV est la cause infectieuse la plus fréquente de surdité neurosensorielle (surdité de perception) chez les enfants. On estime que 10 à 15 % des nouveau-nés symptomatiques infectés par le CMV à la naissance développeront une perte auditive. Parmi les enfants asymptomatiques à la naissance, environ 7 à 15 % peuvent également présenter une perte auditive liée au CMV au fil du temps.

Le risque de surdité est plus élevé chez les enfants présentant des symptômes d’infection congénitale par le CMV à la naissance, tels que la microcéphalie, des anomalies hépatiques, des purpuras thrombopéniques, ou une encéphalite. Cependant, même les enfants asymptomatiques à la naissance sont à risque, ce qui souligne l’importance du dépistage et du suivi auditifs.

Dépistage et traitement

Le dépistage de l’infection congénitale par le CMV peut se faire par la détection du virus dans la salive ou l’urine du nouveau-né dans les premières semaines de vie. Pour les enfants identifiés comme infectés par le CMV, un suivi auditif régulier est recommandé pour détecter toute perte auditive dès que possible.

Concernant le traitement, l’antiviral Valaciclovir a été étudié pour son potentiel à réduire le risque ou la gravité de la perte auditive chez les nouveau-nés symptomatiques avec une infection congénitale par le CMV. Bien que des données prometteuses aient été rapportées, la prise de décision thérapeutique doit être individualisée et fondée sur une évaluation complète des bénéfices et des risques.

La surdité liée à l’infection congénitale par le CMV représente une préoccupation majeure de santé publique en raison de son impact potentiel sur le développement langagier, l’apprentissage et la qualité de vie. Le dépistage précoce du CMV et le suivi auditif des enfants à risque sont essentiels pour une intervention précoce et l’optimisation des résultats. La recherche continue pour améliorer les stratégies de prévention, de dépistage et de traitement est cruciale pour réduire l’incidence et les conséquences de cette infection congénitale.