Le 13 mars 2025, la France célèbrera la 28e Journée Nationale de l’Audition (JNA), une campagne annuelle de sensibilisation à la santé auditive. Cette année, l’association organisatrice – l’Association Nationale de l’Audition (ANA) – met l’accent sur un risque encore méconnu : les dangers pour l’ouïe liés aux jeux vidéo. Le phénomène est massif : on estime à 3 milliards le nombre de joueurs dans le monde, dont 38,3 millions en France rien que pour les personnes de 10 ans et plus. Face à l’omniprésence du jeu vidéo dans toutes les générations, la JNA 2025 entend lancer un cri d’alerte sur les excès sonores du gaming et leurs conséquences sur notre audition.

L’édition 2025 adopte un slogan choc – « Je joue avec mes oreilles ! » – pour illustrer que chaque session de jeu vidéo engage le capital auditif du joueur. Longtemps, les campagnes de prévention se sont concentrées sur la musique amplifiée (écoute à volume élevé et sur de longues durées), identifiée comme comportement à risque pour l’oreille. Désormais, d’autres loisirs autrefois ignorés, comme le gaming, sont pointés du doigt. Jeux en réseau, parties en solo au casque, tournois d’e-sport bruyants : la JNA 2025 veut sensibiliser le grand public aux dangers souvent sous-estimés que ces pratiques font courir à notre santé auditive.

Contexte : une santé auditive préoccupante

La mise en lumière des risques auditifs liés aux jeux vidéo intervient dans un contexte de dégradation globale de la santé auditive en France. Un des indicateurs les plus alarmants est la prévalence des acouphènes (bourdonnements ou sifflements persistants) dans la population. Selon la Haute Autorité de Santé, environ 15 % des Français souffrent d’acouphènes chroniques. Nos baromètres nationaux indiquent qu’une personne sur deux connaît au moins une victime de ces troubles dans son entourage. Fait inquiétant, ces symptômes touchent de plus en plus de jeunes : le dernier baromètre a révélé que 6 millions de Français de moins de 35 ans en souffrent déjà, l’âge moyen d’apparition des acouphènes tournant autour de 41 ans.

Plus largement, les troubles de l’audition constituent un enjeu de santé publique majeur. L’Organisation Mondiale de la Santé projette qu’en 2050, une personne sur quatre dans le monde souffrira de déficience auditive si rien n’est fait. Or, à ce jour, toute perte auditive est irréversible – les prothèses et appareils existent, mais ne restituent jamais pleinement l’ouïe naturelle. En France, « deux générations sont déjà touchées » par ces problèmes, alerte l’ANA. D’où l’urgence d’une prévention active : informer sur les comportements à risque et encourager le dépistage précoce. C’est tout l’objet de la JNA, qui rassemble chaque année des milliers d’acteurs (ORL, audioprothésistes, médecins du travail, associations…) pour éduquer le public. En 2025, ce travail de pédagogie cible particulièrement les adeptes de jeux vidéo, dont les habitudes d’écoute pourraient bien être le prochain front de lutte contre la « surdité moderne ».

Chiffres clés

  • 38,3 millions – Nombre de Français de 10 ans et plus qui jouent aux jeux vidéo. Cela représente environ 52 % de la population : plus d’un Français sur deux joue au moins une fois par semaine.
  • 7 h 17 – Temps de jeu hebdomadaire moyen d’un joueur français régulier. Les gamers jouent en moyenne un peu plus de 7 heures par semaine, généralement réparties en sessions quotidiennes.
  • 95 % / 66 % – Part des enfants (moins de 18 ans) qui pratiquent le jeu vidéo, versus part des adultes qui s’y adonnent. Le gaming est un loisir intergénérationnel : presque tous les jeunes y jouent, mais aussi deux adultes sur trois, y compris 5 millions de seniors de plus de 65 ans.
  • 1 sur 3 – Proportion de parents qui jouent régulièrement avec leurs enfants aux jeux vidéo. Le gaming est souvent une affaire de famille, ce qui renforce l’importance d’une éducation aux bonnes pratiques dès le plus jeune âge.
  • 15 % – Part des Français souffrant d’acouphènes (sifflements ou bourdonnements persistants dans l’oreille). Parmi eux, 6 millions ont moins de 35 ans】, signe que les nuisances sonores impactent aussi les jeunes.
  • 119 dB(C)Pic sonore maximal mesuré lors de sessions de jeu vidéo dans certaines études. À titre de comparaison, 120 dB équivaut au bruit d’un avion au décollage ; ces niveaux extrêmes, bien que ponctuels, dépassent largement les seuils dangereux.
  • 80 dB(A)Seuil de volume à ne pas dépasser recommandé par l’OMS pour une écoute prolongée. Or, une étude de 2018 a montré que les joueurs sont exposés en moyenne à 84,6–91,2 dB(A) durant leurs sessions de jeu – soit un niveau nettement supérieur aux normes de sécurité.
  • 2050 – Horizon alarmant fixé par l’OMS : d’ici 2050, une personne sur quatre pourrait souffrir de problèmes d’audition dans le monde si les tendances actuelles se poursuivent. La JNA appelle donc à agir sans attendre, car les habitudes d’aujourd’hui feront l’audition de demain.

Impacts du gaming sur l’audition

Portables, consoles ou PC, la plupart des gamers jouent avec un casque audio sur les oreilles, souvent à des volumes élevés pour s’immerger dans le jeu. La question se pose alors : ces expositions sonores répétées continuent-elles un danger réel pour l’audition ? À ce jour, aucun lien direct et formel n’a été établi entre jeu vidéo et perte auditive. Cependant, les études commencent à accumuler des preuves inquiétantes. Des chercheurs ont mesuré des pics sonores jusqu’à 119 dB(C) pendant certaines phases de jeu. Surtout, une étude scientifique publiée en 2018 a évalué que les joueurs sont exposés en moyenne à des volumes de 85 à 91 dB(A) lors de leurs sessions – un niveau qui dépasse largement le seuil de 80 dB(A) au-delà duquel l’OMS déconseille toute exposition prolongée. En clair, certains gamers subissent des doses sonores comparables à un concert de rock, parfois pendant plusieurs heures d’affilée.

Tous les jeux ne se valent pas face à ce risque. Les titres les plus bruyants sont souvent les jeux de tir (FPS) et de course automobile, avec leurs explosions et vrombissements de moteurs : or, ces genres sont très populaires (pratiqués respectivement par 20 % et 26 % des Français). Même des jeux plus « casual » sur smartphone ou tablette peuvent poser problème : 35 % des Français jouent à des petits jeux mobiles, souvent au casque ou avec des écouteurs, et auront tendance à augmenter le volume si le bruit environnant couvre le son du jeu. Le matériel utilisé compte donc autant que le jeu lui-même, car un casque isolant mal du bruit ambiant poussera à monter le volume plus fort qu’une paire d’écouteurs à réduction de bruit.

Ces expositions liées au gaming viennent augmenter la dose globale de bruit encaissée par nos oreilles au quotidien. Or, la dangerosité pour l’audition dépend de trois facteurs clés : la durée d’exposition, le niveau sonore et la cumul des sources. Sur la durée, le temps passé à jouer – plus de 7 heures par semaine en moyenne pour un joueur régulier – s’additionne aux autres bruits de la journée (transports, milieu urbain, musique…). En ce qui concerne le volume, plus on pousse le son fort, plus la pression acoustique exercée sur l’oreille est élevée et nocive . Enfin, la dose quotidienne totale résulte du cumul de toutes les expositions sonores : écouter son jeu fort pendant deux heures après avoir déjà passé la journée avec des écouteurs dans les oreilles augmente significativement le risque de lésions auditives irréversibles. Il faut rappeler que l’oreille humaine n’a pas de mécanisme de protection naturelle contre le bruit cumulatif d’aujourd’hui – elle fatigue et s’abîme sans crier gare.

Quelles sont les conséquences possibles d’un excès de décibels en jouant ? À court terme, un joueur assidu peut ressentir de la fatigue, des maux de tête, des difficultés de concentration ou de l’irritabilité, autant de signes d’une surexposition sonore. Sur le long terme, les risques sont d’abord auditifs : apparition d’acouphènes (sifflements persistants), d’hyperacousie (intolérance aux bruits du quotidien), voire d’une perte auditive progressive. Des ORL évoquent même le scénario d’une presbyacousie précoce, c’est-à-dire un vieillissement accéléré de l’oreille interne chez des individus bien avant l’âge avancé. En parallèle, des effets extra-auditifs peuvent survenir : troubles du sommeil, stress et anxiété accrus, et dans certains cas isolement social ou dépression chez des joueurs souffrant en silence de la dégradation de leur audition. Autant de maux invisibles qui peuvent profondément affecter la qualité de vie.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de profiter du gaming sans se ruiner les oreilles, à condition d’adopter quelques réflexes simples. Les joueurs eux-mêmes sont réceptifs à ce discours : on découvre par exemple que les gamers pratiquent davantage de sport que la moyenne nationale , preuve qu’ils savent intégrer des habitudes saines dans leur routine. Pourquoi ne pas protéger son audition comme on entretient sa forme physique ? C’est le défi lancé par l’association JNA, qui appelle les adeptes de jeux vidéo à prendre soin de leurs oreilles sans renoncer au plaisir de jouer.

Recommandations pratiques pour gamer sans danger

Selon l’Association JNA, voici quelques bonnes pratiques à adopter pour préserver son capital auditif tout en continuant à jouer :

  • Privilégier les haut-parleurs : utilisez un système d’enceintes externes plutôt qu’un casque dès que possible, surtout chez vous. Sans casque rivé aux oreilles, le son est moins concentré et donc moins risqué.
  • Choisir un casque adapté : si vous jouez au casque, optez de préférence pour un casque audio gaming couvrant les oreilles, de bonne qualité, **idéalement avec réduction de bruit active】. Un casque isolant permettra de bien entendre le jeu sans devoir monter le volume excessivement.
  • Régler un volume modéré : réglez le son à un niveau confortable, et maintenez-le aussi bas que possible. En pratique, les experts recommandent de ne pas dépasser ~60 % du volume maximal de votre appareil ou de votre casque.
  • Limiter la durée au casque : évitez de longues sessions d’écoute ininterrompue. Faites des pauses régulières – par exemple 5 à 10 minutes de silence toutes les heures – pour laisser vos oreilles se reposer. Profitez-en pour retirer le casque et vous dégourdir, vos tympans vous remercieront !
  • Varier les sources audio : alternez les modes d’écoute afin de ne pas solliciter toujours de la même façon votre audition. Par exemple, passez du casque aux haut-parleurs de temps en temps, ou à des écouteurs externes posés sur la table. En variant les équipements, vous évitez d’exposer toujours la même zone de l’oreille aux mêmes contraintes sonores.
  • Soigner son hygiène de vie auditive : de manière générale, veillez à intégrer l’audition dans votre hygiène de vie. Après une grosse session de jeu, offrez à vos oreilles du calme (évitez d’enchaîner sur de la musique forte). Pensez aussi au sommeil, un allié indispensable : une bonne nuit dans le silence permet aux cellules de l’oreille interne de récupérer des agressions de la journée.

En suivant ces recommandations, jouer restera un plaisir et non un danger. L’objectif n’est pas de brider la passion du gaming, mais de la pratiquer de façon “safe” pour les oreilles – tout comme on porte un casque en moto ou des lunettes de protection en bricolant. Les conseils de bon sens (modération du volume, pauses, équipement adéquat) peuvent faire une grande différence sur le long terme.

Conclusion

En mettant le projecteur sur les risques auditifs du gaming, la JNA 2025 ouvre un nouveau chapitre de la prévention auditive à l’ère numérique. Des millions de jeunes (et moins jeunes) joueurs sont concernés par cette problématique, souvent sans en avoir conscience. L’initiative de l’Association Nationale de l’Audition vise à déconstruire l’image d’un loisir sans danger : oui, jouer aux jeux vidéo peut abîmer l’ouïe, si l’on n’y prend garde. Mais à l’inverse, adopter de bonnes pratiques suffit à neutraliser la menace et à profiter pleinement du jeu sans mettre son audition en péril.

Le message que martèle cette 28e Journée de l’Audition est clair : « ne jouez pas avec vos oreilles ». En d’autres termes, ne laissez pas de mauvaises habitudes gâcher votre capital auditif. Les experts appellent chaque gamer, chaque parent, chaque organisateur d’événements e-sport à se mobiliser. Cela passe par des gestes simples de prévention au quotidien, mais aussi par le dépistage régulier : la JNA offre d’ailleurs des tests auditifs gratuits partout en France lors de la journée du 13 mars. L’enjeu est de taille, car derrière le plaisir du jeu se cache un risque invisible mais bien réel. Anticiper aujourd’hui, c’est entendre longtemps – pour que le son de vos jeux vidéo reste un plaisir, et non le prélude à des troubles auditifs évitables.

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