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La prévalence croissante des troubles auditifs dans le monde incite les chercheurs à explorer de nouveaux facteurs influençant la sensibilité auditive, au-delà des causes classiques comme l’âge, les substances ototoxiques et le bruit récréatif. Alors que les avancées technologiques ont considérablement amélioré les dispositifs d’aide auditive, la compréhension fine des facteurs influençant la sensibilité cochléaire demeure incomplète. Une récente étude publiée dans Scientific Reports par Balaresque et al. (2025) propose une approche innovante en s’intéressant à la sensibilité cochléaire à travers l’analyse des émissions otoacoustiques évoquées transitoires (TEOAE). Cette étude met en lumière l’influence conjointe de facteurs endogènes (comme le sexe et l’âge) et exogènes (environnement, langue) sur la sensibilité cochléaire, en évaluant 448 individus répartis dans 13 populations mondiales.
L’importance de cette recherche réside dans sa capacité à proposer des stratégies thérapeutiques et préventives en tenant compte des variations individuelles. À une époque où la surdité représente un défi majeur de santé publique, il est essentiel de mieux comprendre les déterminants biologiques et environnementaux de la sensibilité auditive pour optimiser la prise en charge clinique. Cette étude contribue ainsi à combler le manque de données globales sur les influences exogènes et endogènes de la sensibilité cochléaire.
La sensibilité cochléaire a été mesurée par les émissions otoacoustiques évoquées transitoires (TEOAE), une méthode non invasive qui reflète l’activité des cellules ciliées externes de la cochlée. Ces cellules jouent un rôle crucial dans l’amplification des sons et la conversion des ondes sonores en signaux électriques transmis au cerveau. Les participants provenaient de cinq pays (Équateur, Angleterre, Gabon, Afrique du Sud et Ouzbékistan), représentant des environnements variés (urbain, rural en altitude, rural en forêt). Les données recueillies incluaient des facteurs biologiques (sexe, âge, côté d’oreille) et environnementaux (altitude, densité urbaine, couverture forestière).
Pour chaque individu, les TEOAE ont été enregistrées avec un appareil Echoport ILO 288OAE (Otodynamics Ltd, Hatfield, UK), en utilisant un protocole de stimulation sonore non linéaire et des cliques à une intensité moyenne de 84 dB p.e.SPL. Les enregistrements ont été effectués dans des conditions standardisées afin de réduire les variations dues au matériel ou aux conditions acoustiques. Les réponses ont été analysées par corrélation croisée pour garantir la qualité des signaux et éliminer les interférences liées au bruit ambiant. L’utilisation de modèles mixtes linéaires a permis d’évaluer l’impact des facteurs endogènes et exogènes sur les mesures acoustiques.
Le sexe est le facteur le plus influent sur l’amplitude des TEOAE. Les femmes présentent une sensibilité cochléaire supérieure de 2 dB en moyenne par rapport aux hommes sur l’ensemble du spectre de fréquences (500 à 5500 Hz). Cette différence pourrait être attribuée à des variations anatomiques, telles que des différences de densité ou d’organisation des cellules ciliées externes. Par ailleurs, le rôle des hormones sexuelles, notamment les œstrogènes, pourrait également intervenir en favorisant une meilleure transmission du signal acoustique. Ces résultats soulèvent la question de la prise en compte du sexe dans l’élaboration de dispositifs auditifs plus personnalisés.
L’âge est un autre facteur significatif, bien que son impact soit moindre par rapport au sexe. Le déclin de la sensibilité commence généralement dès l’âge de 35 ans, avec une diminution progressive au-delà de 45 ans. Cette observation est cohérente avec les études montrant une perte auditive progressive liée à l’âge, mais elle souligne aussi l’importance d’un dépistage précoce pour identifier les individus à risque et mettre en place des stratégies d’intervention adaptées.
Les résultats montrent que l’environnement joue un rôle déterminant dans la sensibilité cochléaire. Les populations urbaines présentent une sensibilité accrue aux fréquences élevées, ce qui pourrait refléter une adaptation aux environnements sonores saturés de bruits de basse fréquence. À l’inverse, les populations vivant en altitude montrent une sensibilité réduite, probablement en raison de l’hypoxie chronique ou d’une moindre exposition aux bruits intenses.
Les environnements naturels, tels que les forêts tropicales, sont associés à une sensibilité accrue aux sons naturels, favorisant l’identification rapide de stimuli biophoniques cruciaux pour la survie. Ces résultats appellent à une réflexion sur l’impact des environnements sonores naturels et anthropiques sur la santé auditive.
Les résultats de cette étude soulignent l’importance d’une approche personnalisée dans la prise en charge auditive. Les praticiens ORL et audioprothésistes doivent prendre en compte les différences individuelles liées aux facteurs endogènes et exogènes pour affiner les stratégies diagnostiques et thérapeutiques.
Cette étude met en lumière l’importance de considérer l’ensemble des facteurs influençant la sensibilité cochléaire pour optimiser la prise en charge auditive. En intégrant ces connaissances, il est possible de proposer des solutions plus adaptées aux besoins individuels, renforçant ainsi l’efficacité des dispositifs auditifs modernes. Ces avancées offrent de nouvelles perspectives pour la recherche clinique en audiologie et pour l’amélioration de la qualité de vie des patients souffrant de troubles auditifs.