L’aptitude à régénérer les cellules auditives est bien connue chez certains poissons et reptiles. Une étude récente menée par une équipe de la Keck School of Medicine à l’Université de Californie du Sud (USC) a permis d’approfondir notre compréhension des mécanismes sous-jacents à ce phénomène. Cette recherche pourrait ouvrir la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques pour traiter la surdité chez l’homme.

Mécanisme de régénération des cellules auditives

Chez des espèces comme le poisson zèbre et certains lézards, les cellules de soutien des cellules sensorielles possèdent une capacité remarquable à se respécialiser pour remplacer les cellules auditives ou cellules ciliées endommagées. Cette étude, publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), a exploré le rôle des activateurs d’ADN, des éléments génomiques impliqués dans ce processus de régénération.

Après un traumatisme sonore ou un accident provoquant la destruction des cellules auditives, ces activateurs d’ADN stimulent l’expression de gènes critiques dans les cellules de soutien. Ils favorisent la production de la protéine ATOH1, essentielle à l’activation des gènes responsables de la formation de nouvelles cellules sensorielles au sein de l’oreille interne.

Il est à noter que ces activateurs d’ADN sont présents durant le développement embryonnaire, mais persistent uniquement chez les animaux dotés de capacités de régénération à l’âge adulte.

Organe de Corti
Organe de Corti

Plasticité cellulaire et amplificateurs régénératifs

Lors de la régénération tissulaire, les cellules apparentées sur le plan de la lignée peuvent changer de fonction pour remplacer des cellules manquantes. Cette plasticité cellulaire est particulièrement marquée chez les vertébrés plus régénératifs, comme le poisson zèbre, mais les bases moléculaires de cette transdifférenciation cellulaire restent mal comprises.

Dans cette étude, les chercheurs ont investigué la base épigénétique de la transdifférenciation régénérative dans l’oreille interne, où les cellules de soutien génèrent des cellules sensorielles ciliées en cas de lésion. En comparant les paysages chromatiniens de poissons zèbres régénératifs et de lézards verts aux souris non régénératifs, ils ont identifié une classe d’amplificateurs fonctionnant chez les progéniteurs pour générer des HC. Ces amplificateurs (enhancers) sont ensuite spécifiquement maintenus dans les cellules de soutien des vertébrés régénératifs pour permettre la régénération des cellules ciliées auditives.

En particulier, les chercheurs ont mis en évidence une classe d’amplificateurs à longue portée pour Atoh1, un facteur de transcription maître pour la différenciation des cellules ciliées auditives. En l’absence de lésion, ces amplificateurs ou enhancers maintiennent leur accessibilité dans les cellules de soutien jusqu’à l’âge adulte, mais leur activation est réprimée par la voie Notch. La suppression de ces amplificateurs a non seulement réduit l’expression d’atoh1a et la formation de cellules de soutien pendant le développement, mais a également bloqué la capacité des cellules de soutien à se différencier en cellules ciliées auditives lors de la régénération. De plus, ces défauts se sont révélés spécifiques à l’oreille interne, contrairement à la ligne latérale, révélant des mécanismes distincts de régénération dans ces organes sensoriels.

Ces résultats mettent en lumière une classe d’amplificateurs régénératifs qui maintiennent la compétence des cellules de soutien de l’oreille interne à réguler à la hausse atoh1a et à se différencier en HC après une lésion. La persistance de l’accessibilité des amplificateurs ou enhancers développementaux pour une lignée cellulaire chez des cellules apparentées pourrait constituer un thème commun à la plasticité cellulaire adulte chez les vertébrés régénératifs.

Applications cliniques

Ces résultats ouvrent des perspectives prometteuses pour les médecins. L’activation de ces mécanismes chez l’homme pourrait permettre de stimuler les capacités régénératrices naturelles des cellules de l’oreille interne. À terme, des thérapies ciblées, utilisant des molécules capables d’ouvrir ces activateurs d’ADN, pourraient inverser la surdité.

« À l’avenir, des stratégies ciblées pour ouvrir ces activateurs dans l’oreille interne humaine pourraient être utilisées pour stimuler nos capacités régénératrices naturelles et traiter la surdité », a déclaré l’un des co-auteurs de l’étude.

Les médecins spécialisés en oto-rhino-laryngologie (ORL) et en thérapie génique suivent de près ces développements scientifiques. Ils offrent l’espoir d’un traitement révolutionnaire de la surdité, actuellement irréversible dans la majorité des cas. Les prochaines étapes de la recherche consisteront à traduire ces découvertes fondamentales en applications cliniques efficaces pour les patients humains.

Source originale : Tuo Shi, Yeeun Kim, Juan Llamas, Xizi Wang, Peter Fabian, Thomas P. Lozito, Neil Segil, Ksenia Gnedeva, J. Gage Crump. Long-range Atoh1 enhancers maintain competency for hair cell regeneration in the inner ear. Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Article original disponible sur : PubMed.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *