Une technologie innovante pour l’administration atraumatique de traitements dans l’oreille interne

L’accès thérapeutique à l’oreille interne reste un défi majeur en oto-rhino-laryngologie en raison de la complexité anatomique et de la fragilité des structures cochléaires. Les méthodes conventionnelles d’administration, telles que les injections transtympaniques ou intracochléaires, posent des problèmes d’efficacité, de diffusion ou de traumatisme. Dans ce contexte, l’émergence de la bioimpression assistée par laser, inspirée des technologies d’impression à jet d’encre, constitue une avancée prometteuse. Le projet BIOIMPRESS, coordonné par le Dr Damien Bonnard en collaboration avec le Pr Raphaël Devillard et le laboratoire Inserm BioTis, explore cette approche innovante pour la délivrance ciblée et non invasive de substances thérapeutiques dans la cochlée.

Le principe de la bioimpression

La technologie développée adapte un procédé initialement utilisé en ingénierie tissulaire : la bioimpression assistée par laser. Ce système repose sur l’utilisation d’un laser pulsé focalisé à travers une lame de quartz recouverte d’une fine couche d’or, elle-même enduite d’« encre » – ici, un médicament sous forme liquide ou gélifiée. L’impulsion laser provoque une vaporisation localisée de la couche d’or, générant une cavitation qui propulse une microgoutte de substance thérapeutique.

Application à l’oreille interne murine

Un prototype miniaturisé a été conçu pour modéliser l’oreille interne murine, afin de tester l’aptitude du système à projeter la microgouttelette à travers la membrane de la fenêtre ronde, cible d’intérêt pour l’administration cochléaire. L’objectif : assurer une délivrance précise, contrôlée, non invasive et efficace sans perforation de la membrane.

Résultats

Une première publication scientifique (Bonnard et al., 2023) a permis de valider la preuve de concept avec la dexaméthasone, un corticoïde couramment utilisé dans le traitement des pertes auditives d’origine inflammatoire. Résultats notables :

  • Concentration cochléaire obtenue équivalente à une injection transtympanique, tout en utilisant une dose 10 000 fois inférieure ;
  • Absence de lésion sur la membrane cible ou les structures environnantes ;
  • Contrôle fin de la quantité délivrée, compatible avec des administrations répétées.

Cette technique se positionne donc entre les injections transtympaniques (moins précises) et les injections intracochléaires (plus risquées), en alliant efficacité pharmacologique et sécurité mécanique.

Vers une administration de thérapies géniques et cellulaires

Les perspectives de cette technologie dépassent la simple délivrance de corticoïdes. L’équipe du projet BIOIMPRESS vise maintenant des molécules de plus grande taille, telles que les vecteurs viraux utilisés en thérapie génique. Cela nécessite une adaptation fine des paramètres du laser pour assurer la traversée de la membrane sans altération du vecteur.

Le principe repose sur une cinétique suffisante pour franchir la couche externe de la membrane, à la manière d’un tatouage, avant diffusion passive vers les couches plus profondes. Cette approche pourrait également s’ouvrir à l’administration de thérapies cellulaires, élargissant les applications à la régénération cochléaire.

Enjeux cliniques

L’intérêt clinique est particulièrement marqué pour :

  • Les surdités moyennes, pour lesquelles une intervention peu invasive est cruciale pour préserver les cellules neurosensorielles encore fonctionnelles ;
  • Les traitements préventifs, par exemple dans les atteintes génétiques évolutives, où une administration régulière, précise et atraumatique serait idéale.

La bioimpression assistée par laser représente une technologie de rupture en oto-rhino-laryngologie, en particulier pour le traitement des pathologies de l’oreille interne. Grâce à une administration ultraprécise, non invasive et potentiellement polyvalente, elle ouvre la voie à des stratégies thérapeutiques jusque-là limitées par l’accès anatomique. L’enjeu des prochaines années réside dans la miniaturisation du dispositif, sa validation sur des modèles plus complexes (précliniques et cliniques) et l’élargissement à des molécules à fort potentiel thérapeutique, notamment pour la thérapie génique.

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