« * » indique les champs nécessaires
L’évaluation de la qualité de vie des patients implantés cochléaires constitue un enjeu majeur dans le suivi de la réhabilitation auditive. Jusqu’à présent, peu d’outils spécifiques à cette population étaient disponibles en langue française. Le CIQOL 35 (Cochlear Implant Quality of Life), développé aux États-Unis, comble ce manque en offrant un questionnaire structuré autour de six domaines essentiels du quotidien des implantés. Sa version française, récemment validée par l’équipe du Dr Isabelle Mosnier à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, constitue une avancée significative. Rapide à administrer, complémentaire des tests audiométriques, et fondé sur une méthodologie rigoureuse d’adaptation culturelle, le CIQOL 35 permet une évaluation fine du vécu des patients. Cet outil ouvre la voie à une prise en charge plus personnalisée et centrée sur les bénéfices réels perçus par les implantés cochléaires.
Longtemps restée centrée sur les seuls paramètres audiométriques, l’évaluation des résultats de la réhabilitation auditive par implant cochléaire s’enrichit aujourd’hui d’un outil essentiel : le questionnaire CIQOL 35, désormais validé en français. Cet outil, spécialement conçu pour mesurer la qualité de vie des adultes porteurs d’implants cochléaires, complète de manière précieuse les tests auditifs classiques. En moins de cinq minutes, il permet de mieux cerner l’impact subjectif mais fondamental de l’implantation sur le quotidien des patients.
Avec l’essor des technologies de réhabilitation de la surdité, la question du bénéfice perçu par les patients dépasse la seule amélioration des performances auditives mesurées en cabine. La qualité de vie – concept multidimensionnel englobant le bien-être émotionnel, social, fonctionnel et environnemental – est devenue une composante incontournable de l’évaluation thérapeutique. Ce constat s’impose d’autant plus dans un contexte de tension budgétaire où l’accès aux technologies coûteuses, telles que les implants cochléaires, doit pouvoir s’appuyer sur des critères de justification tangibles et validés.
« Il existe toutefois peu de questionnaires spécifiques à l’audition, et encore moins à l’implant cochléaire, validés en français », souligne la Dre Isabelle Mosnier, ORL et responsable de l’unité fonctionnelle des implants auditifs à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. « L’APHAB (Abbreviated Profile of Hearing Aid Benefit) et le SSQ (Speech, Spatial and Qualities of Hearing Scale) ont été traduits et validés dans notre langue, mais ils ont été conçus à l’origine pour des utilisateurs d’aides auditives. À l’inverse, le NCIQ (Nijmegen Cochlear Implant Questionnaire), spécifiquement destiné aux implantés, ne dispose toujours pas de validation francophone. »
Cette lacune méthodologique est désormais comblée grâce à la validation récente du CIQOL 35 en français. Développé à partir de 2017 par le Pr McRackan et le Pr Dubno aux États-Unis, ce questionnaire couvre six domaines clés de la vie quotidienne des personnes implantées :
Chaque question propose une échelle de Likert en cinq points, allant de jamais à toujours, permettant une auto-évaluation nuancée. Une version courte, le CIQOL 10, qui fournit un score global synthétique, est d’ailleurs déjà utilisée dans le registre EPIIC (Évaluation du Parcours Implantaire Individualisé en Cochléaire) en remplacement de l’APHAB depuis deux ans.
La traduction et la validation du CIQOL 35 ont suivi un protocole rigoureux, conformément aux recommandations de Hall et collaborateurs en matière d’adaptation interculturelle des instruments de mesure. Le processus a impliqué des traductions croisées entre l’anglais et le français, suivies d’entretiens qualitatifs menés avec des patients afin de s’assurer de la clarté, de la pertinence et de la compréhension des items.
Ce travail a été mené par l’équipe du Dr Mosnier avec le concours de la chercheuse Ariane Laplante-Lévesque, spécialiste reconnue de l’université de Linköping (Suède), experte en méthodologie et en développement de questionnaires de santé. Cette collaboration aboutira prochainement à la publication d’un article scientifique détaillant l’ensemble du processus de validation.
L’échantillon de validation comprenait 50 patients implantés cochléaires, suivis au sein du centre référent de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Chaque participant a rempli le CIQOL 35, et a également été soumis à deux tests audiométriques standard : le test de Lafon (en condition silencieuse) et le test VRB (voix dans le bruit). La passation du questionnaire a été rapide, d’une durée moyenne de 4 minutes, ce qui en fait un outil facilement intégrable à la pratique clinique de routine.
Une analyse statistique poussée a été conduite pour évaluer la complémentarité du CIQOL 35 avec les mesures audiométriques. Les résultats ont mis en évidence une absence de corrélation entre les scores du questionnaire et ceux obtenus aux tests auditifs. Ce constat est capital : il confirme que le CIQOL 35 apporte des informations spécifiques, liées à l’expérience vécue par le patient, qui ne sont pas saisies par les tests purement objectifs.
« Cela signifie que le CIQOL 35 permet de capter des aspects essentiels de la réhabilitation auditive qui échappent aux tests classiques, tels que l’effort cognitif à fournir, l’aisance en société ou le plaisir retrouvé dans certaines activités », précise le Dr Mosnier.
Cette validation constitue une étape déterminante, mais elle ne marque pas la fin du travail. D’autres études seront nécessaires pour établir des valeurs de référence normatives, pour suivre l’évolution des scores avant et après implantation, et pour tester la sensibilité de l’outil auprès de populations spécifiques : patients âgés, implantés bilatéraux, implantations précoces ou tardives, etc.
À terme, l’intégration du CIQOL 35 dans les protocoles de suivi des implantés pourrait permettre une meilleure personnalisation de la prise en charge, une objectivation des bénéfices thérapeutiques, et un dialogue renforcé entre professionnels et patients autour de leurs attentes et ressentis.