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Et si les écouteurs sans fil que nous voyons quotidiennement dans les oreilles de millions de personnes devenaient aussi des aides auditives ? C’est le pari que semble faire Apple avec ses AirPods Pro de nouvelle génération, capables — via une simple mise à jour logicielle — d’amplifier les sons et d’offrir une assistance auditive aux personnes présentant une perte légère à modérée. Cette évolution marque un tournant majeur : pour la première fois, un objet grand public pourrait contribuer à démocratiser l’appareillage auditif, en brisant les freins psychologiques et sociaux qui freinent encore tant de patients. À l’heure où le marché des aides auditives s’ouvre aux dispositifs en vente libre (OTC), cette convergence entre technologie grand public et santé auditive soulève de nombreuses questions. Opportunité ou menace pour les professionnels de l’audition ? Révolution ou simple effet de mode ? Tentons d’y voir plus clair. Pour rappel Apple a travaillé sur la compatibilité des casques de réalité virtuelle Vision Pro avec Oticon.
Et si ces écouteurs blancs dans vos oreilles étaient en réalité… des aides auditives ? Ce qui semblait encore improbable il y a quelques années devient aujourd’hui une réalité tangible. Les dispositifs auditifs font leur entrée dans le grand public, dans un format inattendu mais révolutionnaire. Fini les appareils couleur chair, discrets derrière l’oreille : place à un objet technologique visible, assumé, et déjà omniprésent dans notre quotidien.
Les AirPods, lancés par Apple en 2016, ont bouleversé notre manière d’écouter de la musique et de passer des appels. Mais pourraient-ils aussi transformer durablement le paysage des soins auditifs ? En gommant une partie des stigmates associés au port d’aides auditives, ils pourraient rendre l’appareillage plus acceptable — voire désirable — pour des millions de personnes atteintes de surdité légère à modérée, encore trop souvent non équipées. Si les gens portent des AirPods, pourquoi ne pas porter des aides auditives?
Il y a une trentaine d’années, lors de ma première année à la Harvard Business School, j’ai compris que quelque chose clochait. Les débats en classe étaient vifs, rythmés. Un jour, tout le monde s’est mis à rire sauf moi. Une blague m’avait échappé — encore. Ce fut la goutte d’eau. J’ai demandé à mon voisin ce qui avait été dit, une fois de trop. Il était fatigué de mes questions, et moi de ne pas entendre.
Je me suis rappelé mon père, qui, lui aussi, perdait l’audition jeune. Je l’avais vu s’isoler progressivement, par honte, par peur qu’on remarque son handicap. Allais-je suivre le même chemin ?
J’ai consulté un audiologiste. Diagnostic : perte auditive légère, mais… pas de solution proposée. J’étais soulagée. Pas besoin de porter ces « appareils » si stigmatisants. Pourtant, mon écoute restait fatigante, et mes difficultés allaient en s’aggravant.
Ce n’est que lorsque ma perte auditive m’a empêchée de travailler efficacement que j’ai franchi le pas. J’ai acheté des aides auditives, que je camouflais soigneusement derrière mes cheveux. Accepter mon handicap a pris encore plus de temps. Mais le jour où j’ai vu mes enfants me regarder lutter comme j’avais vu mon père lutter, j’ai compris qu’il fallait briser le cycle. J’ai alors décidé d’assumer pleinement ma surdité et de militer pour une meilleure reconnaissance de ces troubles.
L’arrivée des AirPods Pro 2 avec fonction d’amplification constitue une porte d’entrée inédite vers le monde des solutions auditives. Pour de nombreux patients souffrant d’une perte auditive légère à modérée, ces dispositifs grand public — familiers, esthétiques et dépourvus de connotation médicale — peuvent représenter une première étape plus acceptable vers l’appareillage. Parce qu’ils ressemblent à ce que tout le monde porte déjà, ils permettent de normaliser le fait d’amplifier le son, sans déclencher d’emblée les réticences souvent associées aux aides auditives classiques.
Pour les professionnels de l’audition, il ne s’agit pas de concurrents, mais bien d’alliés potentiels dans la lutte contre le déni et la stigmatisation. En accompagnant les patients dans l’usage de ces dispositifs, les audioprothésistes peuvent amorcer une relation de confiance, sensibiliser à l’importance d’un vrai bilan auditif, et, le moment venu, orienter vers une solution sur mesure plus performante.
C’est donc une opportunité de décloisonner les parcours de soin, de rencontrer les patients là où ils sont, et de les guider progressivement vers un appareillage adapté à leurs besoins cliniques réels.
Depuis octobre 2022, les aides auditives en vente libre appelées Ove The Counter (OTC) sont disponibles sans ordonnance aux États-Unis. Leur adoption reste encore timide. Mais les AirPods Pro jouent dans une autre catégorie. Aucun autre appareil OTC ne peut se vanter d’être déjà dans des millions d’oreilles. Avec une simple mise à jour logicielle, ces écouteurs deviennent des aides auditives. Ce n’est pas une révolution technologique en soi, mais c’est peut-être une révolution culturelle.
Les audioprothésistes ont ici une opportunité unique : saisir cette évolution pour toucher un public plus large, déstigmatiser l’appareillage et faire entrer les soins auditifs dans le quotidien.
Avec l’arrivée sur le marché des AirPods Pro intégrant une fonction d’amplification sonore, de nombreux patients se demandent s’il est encore nécessaire de s’équiper d’aides auditives traditionnelles. Pourtant, malgré la technologie embarquée dans ces écouteurs connectés, les dispositifs médicaux auditifs sur mesure conservent des avantages majeurs, tant sur le plan audiologique que sur le plan clinique, ergonomique et humain.
Les aides auditives traditionnelles sont prescrites et réglées après une évaluation audiologique complète, incluant non seulement un audiogramme tonal, mais aussi des tests vocaux, une évaluation de la compréhension dans le bruit, et une analyse fine des besoins du patient dans ses environnements de vie.
À l’inverse, les AirPods avec fonction d’amplification proposent un réglage basique via l’application Apple Santé, sans validation audiométrique, sans adaptation binaurale synchronisée, et sans prise en compte des préférences auditives du patient. Le résultat est une solution approximative, qui peut aider temporairement, mais ne traite pas la perte auditive de manière efficace et durable.
Les aides auditives modernes intègrent des algorithmes puissants de traitement du signal, bien plus sophistiqués que ceux des AirPods :
Aucune de ces fonctionnalités n’est disponible dans les AirPods, qui restent conçus avant tout pour le divertissement audio, et non pour la compensation fine d’un déficit sensoriel.
Contrairement aux AirPods, qui peuvent devenir inconfortables après quelques heures et sont encombrants dans certaines situations (casques, oreillers, port de lunettes), les aides auditives sont légères, discrètes, ergonomiques :
De plus, les aides auditives peuvent être pilotées à distance via des applications professionnelles, avec un accès à des réglages fins, des modes d’écoute prédéfinis, ou des connexions vers des microphones déportés et des boîtiers TV.
Les aides auditives modernes disposent d’une autonomie optimisée, pouvant aller jusqu’à 24 heures sur une seule charge (modèles rechargeables), ou jusqu’à une semaine avec des piles traditionnelles. Les AirPods, eux, nécessitent d’être rechargés plusieurs fois par jour en cas d’usage prolongé comme amplificateur.
Par ailleurs, les aides auditives sont conçues pour durer plusieurs années et supporter une utilisation intensive. Elles font l’objet de tests de robustesse, d’agréments médicaux, et bénéficient d’un service après-vente spécialisé assuré par l’audioprothésiste.
S’équiper d’une aide auditive ne se résume pas à insérer un appareil dans l’oreille. C’est un parcours de soins, accompagné par un audioprothésiste qualifié, qui ajuste les réglages au fil du temps, éduque le patient à son usage, le soutient dans l’acceptation de sa perte auditive, et assure un suivi régulier.
Ce lien humain est essentiel, notamment pour :
Les AirPods, en comparaison, ne proposent aucun accompagnement clinique, aucune évaluation initiale, aucun suivi, et aucune personnalisation au-delà de quelques réglages généraux.
Enfin, les aides auditives sont des dispositifs médicaux certifiés, soumis à des normes strictes de qualité, de sécurité et de traçabilité. En France, elles bénéficient d’une prise en charge partielle ou totale par la Sécurité sociale et les complémentaires santé, dans le cadre du 100 % Santé.
Les AirPods, eux, restent un produit de consommation non médical, sans prise en charge, sans garantie d’efficacité clinique, et sans encadrement réglementaire.
Les AirPods Pro, dans leur version amplifiée, représentent une avancée intéressante en termes d’accessibilité au dépistage auditif, notamment chez les jeunes ou les personnes réticentes à consulter. Mais ils ne doivent pas être perçus comme une alternative réelle à l’appareillage auditif professionnel.
L’avenir des soins auditifs passe sans doute par l’hybridation entre technologie et accompagnement humain, mais la valeur ajoutée des aides auditives traditionnelles reste indiscutable : précision, confort, efficacité clinique, sécurité, et surtout, un accompagnement humain personnalisé.