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Le nystagmus correspond à des mouvements involontaires des yeux. Ils vont et viennent de façon rythmée, un peu comme si les yeux « tremblaient » ou faisaient de petits allers‑retours. La personne ne le provoque pas : c’est un réflexe automatique. Parfois ces mouvements sont rapides (on a l’impression que les yeux « saccadent »), parfois ils sont plus réguliers comme une oscillation.
Ces mouvements surviennent quand les systèmes qui stabilisent naturellement le regard (oreille interne, cervelet, nerfs et muscles des yeux) ne sont plus bien équilibrés. Pour la personne, les conséquences vont de la simple gêne visuelle à une sensation que le décor bouge (appelée « oscillopsies »).
Le nystagmus n’est pas une maladie en soi, mais un signe. Il peut accompagner des situations très variées : certaines sont bénignes et transitoires (trouble de l’oreille interne, vertige positionnel), d’autres nécessitent une vérification médicale rapide (atteinte neurologique). Chez le nourrisson, des yeux qui bougent peuvent traduire un problème visuel précoce ; mieux vaut consulter sans tarder pour protéger le développement de la vision.
Parfois, le nystagmus est présent dès l’enfance et reste stable toute la vie. On parle alors de nystagmus infantile ; les enfants apprennent souvent à compenser, par exemple en tournant légèrement la tête pour trouver la position où les yeux bougent le moins.
Certaines personnes ne ressentent presque rien. D’autres décrivent :
Les proches remarquent de petits mouvements des yeux au repos ou quand la personne regarde sur le côté. Les symptômes peuvent s’aggraver en cas de fatigue, stress, alcool ou certains médicaments.
Appelez le 15 / 112 ou rendez‑vous aux urgences si un nystagmus apparaît brutalement et s’accompagne de l’un des signes suivants : maux de tête inhabituels, faiblesse d’un bras ou d’une jambe, troubles de la parole, vision double, perte d’équilibre marquée, nystagmus vertical (les yeux montent et descendent), perte auditive soudaine. Chez le nourrisson, un nystagmus découvert récemment doit conduire à une évaluation rapide par un ophtalmologiste pédiatrique.
La consultation commence par un entretien : âge d’apparition, caractère soudain ou non, facteurs qui déclenchent ou soulagent, gêne ressentie (lecture, conduite), antécédents et traitements en cours. Vient ensuite l’examen des yeux (mouvements oculaires, vision) et l’exploration de l’équilibre (oreille interne). Des lunettes spéciales ou une caméra peuvent enregistrer les mouvements des yeux pour mieux les analyser.
Selon le contexte, des examens complémentaires peuvent être proposés :
Le traitement dépend avant tout de la cause :
Quand le nystagmus persiste et gêne la vie quotidienne, plusieurs solutions d’aide existent :
Un nystagmus précoce nécessite une évaluation ophtalmo‑pédiatrique et parfois neuropédiatrique. L’objectif est d’identifier une éventuelle cause visuelle curable et de stimuler le développement de la vision le plus tôt possible. Beaucoup d’enfants développent des stratégies de compensation et peuvent mener une vie scolaire et sociale tout à fait normale, surtout si la prise en charge est précoce et régulière.
Le nystagmus correspond à un mouvement oculaire biphasique composé d’une dérive lente et d’une secousse rapide de correction. Il peut être spontané (présent au regard primaire) ou provoqué par un changement de position ou une stimulation du système vestibulaire. Les mouvements peuvent être horizontaux, rotatoires, verticaux ou mixtes. La phase lente reflète l’asymétrie des afférences vestibulaires, tandis que la phase rapide représente la correction par les centres supranucléaires.
Le nystagmus vestibulaire est classé selon l’origine de la lésion :
Puis il peut être classé en fonction du mode de déclenchement :
Il existe d’autres classifications :
Le nystagmus peut également être classé selon la direction du battement (horizontal, vertical, torsionnel), selon la durée (paroxystique, durable) ou selon son caractère irritatif (phase rapide vers l’oreille hyperactive) ou déficitaire (phase rapide vers l’oreille saine). Dans la maladie de Ménière, par exemple, le nystagmus peut évoluer en trois phases : irritative, destructive puis de récupération.
Le système vestibulaire périphérique comprend cinq organes sensoriels : trois crêtes ampullaires situées dans les canaux semi‑circulaires (antérieur, postérieur et latéral) et deux macules otolithiques (utricle et saccule). Les cellules ciliées transforment les mouvements de l’endolymphe ou les variations d’accélération en potentiels nerveux. Les afférences vestibulaires rejoignent les noyaux vestibulaires via un arc réflexe à trois neurones qui commandent le réflexe vestibulo‑oculaire. Ce reflexe stabilise le regard lors des mouvements de tête ; sa perturbation génère un nystagmus, dont la phase lente reflète la perte ou l’excès d’influx vestibulaire, et la phase rapide, la correction.
Dans une lésion périphérique, l’asymétrie d’activité entre les deux labyrinthes crée un déséquilibre tonique. Les afférences du côté lésé diminuent brusquement (lésion destructive) ou augmentent (irritation). La phase lente du nystagmus dévie les yeux vers le côté déficitaire et la phase rapide les ramène vers le côté sain. Ce nystagmus se réduit avec la fixation oculaire et est accentué lorsque le regard est dirigé vers le côté de la phase rapide (loi d’Alexander). L’intensité et la direction du nystagmus fournissent des informations sur la localisation de la lésion : un nystagmus horizontorotatoire indique une atteinte du canal horizontal, un nystagmus vertico‑rotatoire un trouble du canal postérieur.
Le VPPB est la cause la plus fréquente de nystagmus positionnel. Il résulte du détachement de cristaux d’otoconia de l’utricule qui migrent dans l’un des canaux semi‑circulaires, le plus souvent le canal postérieur. Lors des changements de position, ces particules déplacent l’endolymphe et stimulent de manière aberrante les cellules ciliées, entraînant un nystagmus et un vertige bref. Le nystagmus est vertico‑rotatoire, débute après une latence de quelques secondes, augmente puis s’épuise rapidement (habituation) et change de direction au retour en position assise.
La maladie de Ménière est caractérisée par une hydropisie endolymphatique, conséquence d’une résorption insuffisante de l’endolymphe. L’augmentation de pression distend les membranes labyrinthiques et modifie l’excitabilité des cellules ciliées ; lors des crises, la stimulation est excessive puis déficitaire, expliquant la succession de nystagmus irritatif vers l’oreille malade, destructif vers l’oreille saine et enfin de récupération. Les attaques s’accompagnent de surdité fluctuante à basse fréquence et de tinnitus.
La névrite vestibulaire est une suppression brutale des influx du nerf vestibulaire, souvent d’origine virale. L’arrêt d’activité crée une asymétrie soudaine entre les noyaux vestibulaires et entraîne un nystagmus horizontorotatoire unidirectionnel dont la phase rapide est orientée vers l’oreille saine. Au cours de la phase aiguë, le nystagmus est présent dans toutes les positions de regard et se réduit ensuite avec la compensation centrale. La labyrinthite, en revanche, touche l’ensemble du labyrinthe ; elle associe aux symptômes vestibulaires une surdité neurosensorielle définitive et des acouphènes. Les causes peuvent être virales ou bactériennes, notamment dans les otites moyennes compliquées.
Le schwannome vestibulaire est une tumeur bénigne du nerf vestibulocochléaire (VIII). En grossissant, il comprime les fibres vestibulaires et auditives et provoque des vertiges, une hypoacousie et parfois un nystagmus. Le diagnostic repose sur l’examen ORL, l’audiométrie, les explorations vestibulaires et l’imagerie par IRM afin d’identifier une masse dans l’angle ponto‑cérébelleux. Le traitement est chirurgical ou radiothérapique selon la taille et l’évolution de la tumeur ; la préservation du nerf facial et la rééducation vestibulaire postopératoire sont essentielles.
Les nystagmus centraux résultent de lésions des noyaux vestibulaires, du cervelet (notamment le flocculus et le noyau fastigial) ou des voies de projection. Les causes incluent les accidents vasculaires du territoire vertébro‑basilaire, la sclérose en plaques, les malformations de la jonction cervico‑médullaire, les maladies neurodégénératives et les tumeurs du tronc cérébral. Un nystagmus pur vertical ou direction‑changeante lors des mouvements de regard, en particulier un nystagmus vertical supérieur ou inférieur, est fortement suggestif d’un processus central. Dans les syndromes vestibulaires centraux, le vertige est souvent discret alors que le nystagmus est franc et peut localiser la lésion : nystagmus rotatoire en cas d’atteinte bulbaire et nystagmus vertical en cas de lésion mésencéphalique. La présence de signes neurologiques associés (ataxie, dysarthrie, troubles visuels) renforce l’orientation vers une cause centrale.
L’évaluation d’un patient présentant des vertiges repose sur une anamnèse détaillée (durée, déclencheurs, symptômes associés), un examen clinique comprenant l’otoscopie, la recherche de signes neurologiques et l’analyse du nystagmus spontané ou provoqué. Les examens paracliniques précisent le type de nystagmus et la localisation de la lésion.
L’observation se fait en l’absence de fixation visuelle grâce à des lunettes de Frenzel ou à un vidéonystagmographe. Les caractéristiques à analyser sont le sens, la direction, le rythme, la fatigabilité et l’effet de la fixation. La loi d’Alexander stipule que le nystagmus augmente en amplitude lorsque le regard est dirigé vers la phase rapide et diminue lorsque le regard est dirigé vers la phase lente.
L’épreuve calorique consiste à irriguer séparément chaque conduit auditif externe avec de l’eau ou de l’air chaud et froid (30 °C pour le froid, 44 °C pour le chaud). Le refroidissement entraîne une inhibition et un nystagmus bat du côté opposé, tandis que le réchauffement stimule et crée un nystagmus homolatéral. Une réponse faible d’un côté traduit une hyporéflectivité ou une lésion du canal horizontal. Les tests rotatoires évaluent les canaux horizontaux de manière bilatérale : lors d’une rotation continue, un nystagmus dans le sens de la rotation est attendu ; l’absence ou l’inversion du nystagmus indique un déficit. L’analyse de la vitesse de la phase lente et de la fréquence permet de quantifier la fonction canalaire.
Le Video Head Impulse Test (VHIT) mesure le gain du RVO (rapport vitesse de l’œil/vitesse de la tête) lors de manoeuvres impulsionnelles dans les plans des différents canaux semi‑circulaires. Un gain < 0,8 ou la présence de saccades de rattrapage signe un déficit canalaire. Les potentiels évoqués myogéniques vestibulaires (VEMP) évaluent la fonction otolithique (utriculaire et sacculaire) en enregistrant des réponses musculaires induites par des stimulations sonores ou vibratoires. Ces tests complètent l’évaluation en cas de suspicion de Ménière, de neurite sélective ou de schwannome.
En présence de signes neurologiques, de nystagmus central ou de suspicion de tumeur de l’angle ponto‑cérébelleux, une imagerie par IRM est indispensable. L’audiométrie et les potentiels évoqués auditifs sont réalisés systématiquement pour évaluer l’audition. Une prise de sang peut rechercher des causes inflammatoires ou infectieuses. Les examens biologiques et l’évaluation cardio‑vasculaire sont nécessaires en cas de suspicion d’accident vasculaire cérébral.
La prise en charge dépend de l’étiologie identifiée et associe des mesures symptomatiques, des manoeuvres libératoires, une rééducation vestibulaire et un traitement étiologique.
Dans les crises aiguës de vertige périphérique, des antivertigineux (antihistaminiques comme la méclizine, anticholinergiques, acétyl‑DL‑leucine), des benzodiazépines, des antiémétiques (métoclopramide) et des sédatifs peuvent être prescrits pour soulager les nausées et l’anxiété. Chez le patient Ménière, la diuréto‑thérapie et le régime pauvre en sel réduisent l’hydropisie. Toutefois, ces traitements doivent être interrompus dès que possible pour permettre la compensation vestibulaire.
Les corticoïdes, associés ou non à des antiviraux, sont recommandés dans la névrite vestibulaire pour réduire l’inflammation et améliorer la récupération nerveuse. Dans la labyrinthite bactérienne, une antibiothérapie et un drainage de l’oreille moyenne sont nécessaires. Le traitement des vertiges centraux dépend de la cause (thrombolyse ou thrombectomie en cas d’AVC, corticothérapie pour une poussée de sclérose en plaques, chirurgie tumorale). Un avis neurologique urgent s’impose.
Le traitement de référence du VPPB est la manœuvre de repositionnement des particules décrite par Epley. Le patient est assis, la tête tournée de 45° vers l’oreille atteinte. Il est rapidement allongé en décubitus dorsal tête pendante, puis la tête est tournée de 90° vers le côté sain, enfin le patient roule sur le côté et redresse la tête avant de se rasseoir. Chaque position est maintenue 30 secondes pour permettre la migration des otoconies ; cette procédure guérit environ 80–90 % des patients. Les exercices de Brandt‑Daroff consistent à répéter plusieurs fois par jour les positions déclenchantes afin d’accélérer l’habituation ; ils sont utiles en cas d’échec des manoeuvres ou pour l’auto‑rééducation à domicile.
Les formes de VPPB du canal horizontal répondent à la manœuvre de Lempert (« barbecue ») : le patient est allongé en décubitus dorsal, puis la tête et le corps sont tournés successivement de 90° dans la direction opposée au côté atteint jusqu’à revenir en position assise. Cette rotation d’un demi‑tour expulse les débris hors du canal.
La rééducation vestibulaire est une thérapie sensorimotrice qui vise à restaurer l’équilibre par des exercices sollicitant le RVO et les stratégies d’anticipation. Elle repose sur l’interaction entre vision, système vestibulaire et proprioception et favorise la plasticité centrale. Les séances durent environ 15 minutes et sont répétées sur une quinzaine de séances. La rééducation peut provoquer des nausées au début, nécessite la participation active du patient et doit être poursuivie par des exercices quotidiens à domicile.
Plusieurs dispositifs sont utilisés :
Cette rééducation est efficace dans la névrite vestibulaire, les déficits chroniques et après une chirurgie du schwannome. Elle doit être réalisée par un kinésithérapeute ou un nystagmus et diagnostic des vertiges formé, en synergie avec un programme d’auto‑exercices.
Le traitement de la maladie de Ménière vise à réduire l’hydropisie : restriction sodée, diurétiques, bêtabloquants ou inhibiteurs calciques et injections intra-tympaniques de corticoïdes. En cas d’échec, des techniques destructrices (neurectomie vestibulaire, labyrinthectomie chimique par gentamicine) peuvent être proposées.
Dans la névrite vestibulaire, outre la corticothérapie, l’arrêt des antivertigineux précoces favorise la compensation. La labyrinthite nécessite une antibiothérapie dirigée et un traitement de la cause sous-jacente (otite moyenne, cholestéatome). Le schwannome vestibulaire justifie une surveillance radiologique ou une exérèse chirurgicale ; la chirurgie doit préserver le nerf facial et est suivie d’une rééducation vestibulaire. Les vertiges centraux exigent un traitement spécifique (anticoagulation, prise en charge d’une sclérose en plaques, chirurgie tumorale) sous surveillance neurologique.
Le nystagmus et les vertiges associés entraînent des troubles de l’équilibre, une instabilité de la marche et un risque accru de chutes. Les patients présentent une anxiété anticipatrice, évitent les situations déclenchantes et peuvent développer une phobie du mouvement. La vision floue liée à la phase lente du nystagmus altère la lecture et la conduite. L’atteinte de l’audition (Ménière, labyrinthite, schwannome) s’ajoute aux difficultés de communication et d’orientation dans l’espace.
Le diagnostic différentiel des nystagmus nécessite la collaboration de plusieurs spécialités : l’ORL pour l’examen otoneurologique, l’audiométrie et les manoeuvres libératoires ; le neurologue pour l’évaluation des signes centraux, l’interprétation de l’imagerie et la prise en charge d’un accident vasculaire cérébral ou d’une sclérose en plaques ; le kinésithérapeute pour la rééducation vestibulaire ; et le neurochirurgien ou l’oncologue pour la prise en charge des schwannomes. La reconnaissance précoce d’un nystagmus central, notamment de type vertical ou direction‑changeant, permet d’orienter rapidement vers une imagerie et d’initier un traitement approprié.
Le pronostic dépend de l’étiologie. Le VPPB et la névrite vestibulaire ont un excellent pronostic avec la manœuvre d’Epley et la rééducation vestibulaire, bien que des récidives puissent survenir. La maladie de Ménière évolue par crises avec aggravation progressive de l’audition ; la prise en charge permet d’espacer les crises et de réduire les symptômes. Les schwannomes vestibulaires ont une évolution lente ; la chirurgie ou la radiothérapie sont efficaces mais entraînent parfois une perte vestibulaire qu’il faut rééduquer. Les vertiges centraux ont un pronostic lié à la pathologie sous-jacente ; un accident vasculaire du territoire vertébro‑basilaire nécessite une prise en charge urgente pour améliorer la survie et limiter les séquelles.
Le nystagmus est un signe clinique majeur en otoneurologie. Son analyse minutieuse permet de distinguer les causes périphériques, le plus souvent bénignes et accessibles à des traitements simples (manœuvres libératoires, rééducation vestibulaire), des causes centrales qui nécessitent une prise en charge urgente. Une bonne connaissance de la physiopathologie vestibulaire, des caractéristiques du nystagmus et des outils diagnostiques permet aux professionnels de santé ORL de poser un diagnostic précis, d’orienter les investigations et d’instituer un traitement adapté. La collaboration avec les neurologues, kinésithérapeutes et neurochirurgiens est fondamentale pour optimiser la prise en charge et améliorer la qualité de vie des patients.